Dans un communiqué de presse publié le 3 septembre dernier, « le MEDEF salue les choix du plan de relance » annoncé par J. Castex le même jour. S’il faut éviter les procès d’intention, il n’en reste pas moins qu’une telle déclaration incite à la méfiance... On avait cru comprendre, au coeur de la période de confinement, qu’il fallait remettre en cause les évidences (libérales) des politiques économiques appliquées en France depuis quelques décennies. L’annonce d’un plan de « relance », en parallèle de la résurrection d’un « commissariat au plan », pouvaient faire penser que cet aggiornamento économique allait se concrétiser. Et il est indéniable que certains dogmes libéraux ont été plus qu’effrités par la situation récente, que ce soit en France ou au niveau de l’Union Européenne (où l’obsession du déficit et de la dette publiques s’est envolée en quelques semaines... mais pour combien de temps ?). Indéniable aussi que le plan de relance contient des mesures qui, en soi, ne sont pas mauvaises : on pense en particulier au volet « écologique » dudit plan, ou encore aux annonces d’investissement dans les lignes ferroviaires de proximité (qui aura du mal à réparer, cela dit, les dégâts des fermetures de lignes et de gares des décennies récentes).
Retour du refoulé
Mais il était sans doute trop dur pour le gouvernement de refouler trop longtemps ses pulsions libérales. Et on apprend donc que 20 % du montant du plan de relance sera destiné à une mesure... qui n’a rien à voir avec de la « relance », mais correspond bien à une demande du patronat, à savoir une baisse de 20 milliards d’euros des impôts de production payés par les entreprises. Baisse censée favoriser la compétitivité des entreprises, et donc les amener à créer des emplois. Un peu comme le « pacte de responsabilité » de 2014, qui devait créer « 1 million d’emplois »... Cette mesure parfaitement libérale, et qui aura sans doute la même (in)efficacité que le pacte de responsabilité, va volontairement priver l’État de recettes publiques, ce qui permettra ensuite de « justifier » des baisses de dépenses publiques, ou des hausses d’impôts (mais pas sur les premiers de cordée !).
L’inconscient libéral du plan de relance se révèle également quand on remarque que les services publics - dont la crise sanitaire a rappelé l’utilité... et la situation désastreuse - sont largement ignorés par ce plan. Le gouvernement ayant décidé que la relance ne passerait pas par la consommation, les salaires des fonctionnaires peuvent continuer à rester gelés. Quant à l’emploi public, il continue visiblement d’être considéré comme une charge improductive, puisqu’il n’est même pas évoqué comme piste de lutte contre le chômage. Enfin, l’éducation nationale n’apparaît qu’à travers la promotion des « internats d’excellence » et des « cordées de la réussite », là encore de vieilles rengaines libérales et « méritocratiques ».
Romain Gény