Le fonds d’innovation pédagogique Macron : décryptage d’un paradoxe
Le 8 septembre, le Président de la République lançait en grandes pompes le Conseil National de la Refondation (CNR), au centre d’entraînement de l’équipe de France de rugby… Un lieu insolite, choisi pour convaincre l’opinion qu’E. Macron allait cesser de « jouer perso » pour s’inspirer de « solutions collectives », « décidées d’en bas »… en simple animateur du jeu politique, pardon du nouveau débat national.
De l’autoévaluation au « Fonds d’innovation Pédagogique » (FIP).
Si l’essai médiatique n’a pas été transformé au niveau national, il n’en reste pas moins que des « CNR territoriaux » sont programmés, autour de deux chantiers : la santé et l’école. Dans le 2d degré, des débats locaux seront « proposés » dans le cadre de cette « nouvelle » démarche de concertation appelée « Notre école, faisons-la ensemble »… Qui ressemble furieusement au processus d’autoévaluation des établissements : tous les « acteurs » sont invités à s’exprimer et à proposer des solutions pour « faire réussir les élèves, réduire les inégalités et améliorer le bien-être à l’école ». Rien que ça ! Chaque collège, chaque lycée, devrait produire « son » projet, dans le « souci de la différenciation territoriale », pour être sélectionné par un jury académique qui accordera (ou pas) un soutien financier dans le cadre du FIP (150 millions d’euros au titre du budget 2023).
Derrière l’autonomie et l’innovation, la concurrence généralisée
Paradoxalement, l’injonction à innover ne vise pas à prendre en compte les réalités du terrain de façon à faire progresser les élèves, mais plutôt à se conformer à un modèle et à des orientations en matière de politique éducative. ll s’agit de laisser croire que les équipes peuvent y parvenir en dépit des suppressions de postes, de les « responsabiliser », sur le modèle de l’expérimentation « Marseille en grand ». Innover, dans le langage néo-managérial, c’est « expérimenter » et donc déroger aux règles nationales. Côté élèves, les innovations attendues doivent favoriser des comportements et réussites individuelles (« acteur », parcours), plutôt que collectives (attaque du groupe classe au lycée). Côté personnel, le projet d’établissement pourrait justifier, in fine, le recrutement sur profil par la hiérarchie de proximité et déboucher sur la contractualisation de l’ensemble des moyens-postes.
Jean-François Carémel