Rien n’est réglé
Finalement le ministre a dû se résoudre à annuler les épreuves prévues en mars. Certaines organisations syndicales, comme l’UNSA (qui syndique la majorité des chefs d’établissement) ou le Sgen-CFDT, partisan d’un contrôle continu total, se sont réjouies de cette annonce... Le Snes-FSU, lui, considère qu’une autre solution était possible. Depuis plusieurs semaines, relayant les alarmes de la profession mais aussi celles des élèves et des parents, le Snes-Fsu (avec beaucoup d’autres organisations syndicales et professionnelles) demandait le report de ces épreuves en juin, sur des programmes limités et adaptés, et l’annulation du Grand Oral. Le Ministre, toujours aussi borné, n’a jamais voulu écouter, prenant le grave risque de briser les règles les plus évidentes d’équité devant l’examen au vu de la situation, mettant enseignants et élèves sous une tension insupportable, et allant jusqu’à appeler à ne plus tenir compte du contexte sanitaire en terminale...Quant aux réponses données en lettres pour l’EAF, elles laissent les collègues dans l’embarras, elles sont insuffisantes et ne permettront pas de réduire significativement la lourdeur de la préparation à l’examen. La décision de passer au contrôle continu, peut à juste titre soulager les collègues engagés dans une course impossible pour terminer les programmes, mais comment ne pas y voir aussi un nouveau pas vers la marche au contrôle continu complet pour le bac, tant souhaité par le ministre et les concepteurs de la réforme. Notre profession doit y voir un répit qu’elle mettra à profit pour demander la mise à plat la réforme, de ses programmes et des logiques inégalitaires qu’elle ne manque pas de renforcer.
Pour le moment, les annonces de Blanquer, en généralisant le contrôle continu, vont nous confronter à de nouvelles difficultés . Pourquoi ?
Le contrôle continu pose des problèmes pédagogiques d’évaluation
Il confond évaluation formative et évaluation certificative :
Les évaluations destinées à s’entraîner, à progresser deviennent des notes qui servent à certifier le niveau de l’élève . Confusion des genres !
Endurance ou sprint ?
Il ne prend pas en compte la progression des élèves : les élèves ont des rythmes d’apprentissage et de progression différents ; l’essentiel est qu’à la fin de l’année, au moment de l’examen, ils soient au niveau.
Certains progressent tout au long de l’année, d’autres démarrent tout d’un coup parce qu’un déclic a eu lieu mais tous sont sur la ligne d’arrivée.
Le contrôle continu intègre dans la note moyenne le niveau des élèves tout au long de l’année, y compris au début ; niveau qui, en outre, cette année a subi les conséquences du confinement de 2020. Tout est pris en compte alors qu’il est normal qu’un élève ne soit pas au niveau bac en cours de terminale. Sinon, à quoi serviraient les cours ?
Pression évaluative permanente !
Les élèves ressentent la situation comme assez stressante ; ils sont finalement sous pression toute l’année et nous avons déjà eu l’occasion de l’éprouver avec les autres disciplines....
Le contrôle continu est un outil de management des équipes
Il suffit de lire le courriel de Blanquer :
« toute l’institution établira un cadre robuste, des jalons précis pour garantir l’égalité d’évaluation des élèves et donc pour objectiver leurs résultats, ce dans les phases successives de la procédure : définition des modalités d’évaluation, précision et progressivité des critères, exigence dans la constitution des moyennes (nombre minimal de notes, devoirs sur table, exercices de baccalauréat) , réflexion collégiale sur l’évaluation au sein des équipes pédagogiques et dans les différentes instances (conseil pédagogique, équipes de direction), procédures d’harmonisation. »
Faudra-t-il revenir sur les moyennes du 1er trimestre ? Les équipes de direction auront-elles leur mot à dire sur notre évaluation ? Il est à remarquer ici qu’il n’est pas question de garanties d’harmonisation mais bien de cadrage...les mots ont un sens...
Le contrôle continu met les élèves sous tension permanente et la tendance s’est même renforcée avec le passage de sa part de 10 à 40% de la note finale pour le bac. Beaucoup de collègues sont ainsi interpellés, de façon plus ou moins sympathique, sur leur évaluation et sur les notes qu’ils dispensent, par les élèves et leurs familles. Et certaines directions, n’hésiteront pas à s’appuyer sur ces interpellations pour enfoncer un coin.
Nous devons refuser toute forme de pression...et si l’on peut se réjouir que les épreuves n’aient pas lieu en mars, ce qui est à mettre au crédit des mobilisations du Snes-FSU, qui a recherché l’unité la plus large sur cette question, le passage au contrôle continu risque de générer d’autres formes de tensions.
Le contrôle continu amplifie les inégalités et il faudrait compenser cet écueil en jouant sur les moyennes ? La dernière circulaire covid du 6-11-20 explique que « le chef d’établissement veille à la régularité et à l’harmonisation des pratiques d’évaluations, notamment pour les disciplines évaluées aux examens dans le cadre du contrôle continu ». Mais c’est oublier qu’en vertu de la hiérarchie des normes, cette circulaire n’enterre pas la liberté pédagogique actée dans la loi d’orientation de 2005 : « Art. L. 912-1-1 - La liberté pédagogique de l’enseignant s’exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre chargé de l’éducation nationale et dans le cadre du projet d’école ou d’établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d’inspection. Le conseil pédagogique prévu à l’article L. 421-5 ne peut porter atteinte à cette liberté. »
Au fait, ce sont les élèves qui sont en contrôle continu ou les profs ?