Le ministère a fait paraître pendant l’été, contre l’avis unanime des organisations syndicales un décret visant à faire du conseil d’administration une chambre d’enregistrement des décisions du chef d’établissement. Ne nous laissons pas faire !
La question de la commission permanente
Le décret : Le 4° de l’article 1 du décret n°2020-1632 ajoute les deux alinéas suivants à l’article R421-22 du code de l’éducation :
– « Le conseil d’administration se prononce, lors de la première réunion qui suit le renouvellement de ses membres élus, sur la création d’une commission permanente et sur les compétences qu’il décide, en application du dernier alinéa de l’article L. 421-4, de lui déléguer parmi celles mentionnées aux 6°, 7°, 8°, 9°, 10° et 12° de l’article R. 421-20. »
– « Lorsqu’elle a été créée, il peut soumettre à la commission permanente toute question sur laquelle il souhaite recueillir son avis. »
À l’heure où arrivent dans les EPLE les CA d’installation, suite aux élections d’octobre, le moins que l’on puisse dire, c’est que la mise en place des modifications actées par le décret 2020-1633 du 21 décembre 2020 et concernant l’installation (ou pas) de la commission permanente, ne se passe pas comme souhaitée par le Ministère.
En effet, les consignes ministérielles, relayées par les Rectorats à destination des chefs d’établissement, tendent à une interprétation restrictive de la phrase du décret, modifiant l’article R421-22 du code de l’éducation : « le conseil d’administration se prononce, lors de la première réunion qui suit le renouvellement de ses membres élus, sur la création d’une commission permanente ET sur les compétences qu’il décide […] de lui déléguer [...] ».
La lecture qu’en fait le ministère, à l’opposé de ce qui nous a été dit lors de l’audience au Rectorat du jeudi 21 octobre, est que la commission permanente ne peut être créée que si le CA lui délègue une ou plusieurs compétences, ce qui ne constitue qu’une lecture restrictive du décret, puisqu’en droit, la conjonction « et » n’est pas obligatoirement cumulative.
Pour le SNES, le CA peut donc d’une part, installer une commission permanente et, d’autre part, ne pas lui déléguer de compétence, garantissant ainsi un espace de débat démocratique et officiel au sein des EPLE, sans tentative de dessaisir le CA de ses prérogatives. Rappelons que dans les commissions permanentes, le poids des représentants des personnels est minoré par rapport à celui de la direction qui reste le même qu’en CA.
Il faut donc évaluer le rapport de force local et élaborer la meilleure stratégie pour le maintien d’un fonctionnement démocratique dans l’établissement ; plusieurs situations peuvent se rencontrer :
-* a) On ne change pas une équipe qui gagne : maintien de la situation antérieure aux nouveaux textes.
C’est d’ailleurs ce qui s’est passé dans nombre d’établissements de l’académie, pour lesquels nous avons déjà des retours : un premier vote a acté la création d’une commission permanente, un deuxième vote a acté que ladite commission ne recevait aucune délégation de compétence. La commission permanente reste alors un organe délibératif et consultatif officiel de l’établissement.
Partout où le rapport de force est favorable, c’est cette lecture que nous souhaitons voir mise en œuvre afin qu’il n’y ait aucune décision concernant la vie et l’autonomie de l’établissement qui soit prise au sein d’une instance restreinte, plutôt que lors du conseil d’administration. A ce titre, il est important de faire voter ou de faire inscrire sur le PV du CA d’installation les questions que le CA souhaite voir traiter en CP, notamment l’emploi des heures de la DGH ...afin d’éviter que le chef d’établissement ne convoque jamais la CP.
-* b) Le chef d’établissement souhaite déléguer des compétences à la commission permanente et il est fort probable que le CA le suive.
Que faire maintenant si la volonté du chef d’établissement est absolument de déléguer des compétences lors du vote d’installation de la commission permanente ? Là aussi les situations sont aussi diverses que variées : alors que le décret précise que seules les compétences mentionnées aux 6è, 7è, 8è, 9è, 10è et 12è de l’article R421-20, peuvent être déléguées (cf. infra : quelles compétences le CA peut-il déléguer à la CP ?), des collègues nous alertent sur les velléités de chefs d’établissement souhaitant déléguer à la commission permanente des compétences non prévues dans les points cités ci-dessus, comme l’adoption d’un plan de continuité pédagogique par exemple. Dès lors, si plusieurs compétences sont proposées à la délégation, il faut veiller à ce qu’elles fassent bien partie des compétences prévues par le décret, et refuser toute délégation de compétence n’entrant pas dans ce cadre. Concernant les délégations possibles, toute volonté de déléguer à la commission permanente d’autres points que le 6è c) et d), ne pourrait entraîner qu’un vote contre de nos élus.
Il faut alors alerter le CA sur le risque de crispation en CA autour de sujets qui n’auront pas été instruits en amont, notamment sur la préparation de rentrée et rappeler que la CP peut toujours instruire les dossiers que le CA souhaite lui soumettre sans lui déléguer la compétence (cf. Tiret 2 du décret). Il faut notamment le faire acter sur la préparation de rentrée..
Le ministère suggère dans un mail envoyé aux chefs d’établissements le 9 novembre de créer des groupes de travail : "L’absence de commission permanente n’interdit pas la mise en place de groupes de travail permettant d’accompagner le CA dans sa prise de décision. Chaque établissement, en fonction de ses besoins, pourra décider de créer ou non un ou plusieurs groupes de travail. Le règlement intérieur du conseil d’administration précisera la composition du ou de ces groupes permettant une adaptation en fonction des questions instruites ou des domaines d’expertise des membres du CA participant à ces groupes de travail."
Il est donc possible que le CA recrée une commission permanente sans délégation déguisée en groupe de travail. C’est le père Ubu, euh, pardon le ministère qui le dit.
-* c) Le chef d’établissement est partagé : le fonctionnement précédent lui convenait bien (il veut conserver le dialogue avec les élus, notamment sur la préparation de rentrée) mais se sent contraint par les directives de sa hiérarchie.
Vous pouvez lui proposer de déléguer des compétences sur lesquels il n’y a généralement pas de débat comme la plupart des conventions et contrats, points 6è c) et d) de l’art. 421-20, et faire adopter un règlement intérieur de la CP où vous indiquez que si un seul membre de la CP le demande, le vote a lieu en CA. Dans le même règlement, il est nécessaire de lister les sujets que le CA souhaite voir instruire par la commission permanente. (cf. deuxième point du décret cité en tête de l’article).
-* d) À défaut d’installation de la commission permanente
Ne pas hésiter à dénoncer la volonté administrative de réduire l’espace des instances démocratiques officielles de représentants élus au sein des EPLE, et rappeler que la démocratie ne se simplifie pas et ne saurait être réduite aux réunions informelles constituées par le conseil pédagogique.
Art.421-20 :
« 6° [...] donne son accord sur :
a) Les orientations relatives à la conduite du dialogue avec les parents d’élèves ;
b) Le programme de l’association sportive fonctionnant au sein de l’établissement ;
c) L’adhésion à tout groupement d’établissements ;
d) La passation des marchés, contrats et conventions dont l’établissement est signataire, à l’exception :
– des marchés qui s’inscrivent dans le cadre d’une décision modificative adoptée conformément au 2° de l’article R. 421-60 ;
– en cas d’urgence, des marchés qui se rattachent à des opérations de gestion courante dont le montant est inférieur à 5 000 euros hors taxes pour les services et 15 000 euros hors taxes pour les travaux et équipements ;
– des marchés dont l’incidence financière est annuelle et pour lesquels il a donné délégation au chef d’établissement.
e) Les modalités de participation au plan d’action du groupement d’établissements pour la formation des adultes auquel l’établissement adhère, le programme annuel des activités de formation continue et l’adhésion de l’établissement à un groupement d’intérêt public ;
f) La programmation et les modalités de financement des voyages scolaires ;
g) Le programme d’actions établi chaque année par le conseil école-collège.
7° Il délibère sur :
a) Toute question dont il a à connaître en vertu des lois et règlements en vigueur ainsi que celles ayant trait à l’information des membres de la communauté éducative et à la création de groupes de travail au sein de l’établissement ;
b) Les questions relatives à l’accueil et à l’information des parents d’élèves, les modalités générales de leur participation à la vie scolaire et le bilan annuel des actions menées dans ces domaines ;
c) Les questions relatives à l’hygiène, à la santé, à la sécurité : le conseil d’administration peut décider la création d’un organe compétent composé notamment de représentants de l’ensemble des personnels de l’établissement pour proposer les mesures à prendre en ce domaine au sein de l’établissement ;
8° Il peut définir, dans le cadre du projet d’établissement et, le cas échéant, des orientations de la collectivité territoriale de rattachement en matière de fonctionnement matériel, toutes actions particulières propres à assurer une meilleure utilisation des moyens alloués à l’établissement et une bonne adaptation à son environnement ;
9° Il autorise l’acceptation des dons et legs, l’acquisition ou l’aliénation des biens, ainsi que les actions à intenter ou à défendre en justice et la conclusion de transactions ;
10° Il peut décider la création d’un organe de concertation et de proposition sur les questions ayant trait aux relations de l’établissement avec le monde social, économique et professionnel ainsi que sur le programme de formation continue des adultes. Dans le cas où cet organe comprendrait des personnalités représentant le monde économique, il sera fait appel, à parité, à des représentants des organisations représentatives au plan départemental des employeurs et des salariés ;
12° Il adopte un plan de prévention de la violence, qui inclut notamment un programme d’action contre toutes les formes de harcèlement. »
Ordre du jour et questions diverses
Tout à sa verticalité et son autoritarisme , le ministère, dans le même décret, malgré l’opposition unanime des organisations syndicales, laisse la décision de l’ordre du jour au chef d’établissement sans que celui-ci ne soit soumis à l’approbation du CA. Le Snes-FSU a porté la question au conseil d’Etat qui a donné un avis ...de normand. Mais le ministère a bien dû revoir un peu sa copie comme en témoigne ce qu’il écrit aux chefs d’établissements dans le même mail du 9 novembre :
"En second lieu, l’ordre du jour du conseil d’administration sera désormais fixé par vous seul et non plus approuvé en début de séance par le conseil d’administration. Dans sa rédaction issue du décret précité, l’article R. 421-25 prévoit désormais que : « Le chef d’établissement fixe l’ordre du jour, les dates et heures des séances du conseil d’administration en tenant compte, au titre des questions diverses, des demandes d’inscription que lui ont adressées les membres du conseil. Il envoie les convocations, accompagnées de l’ordre du jour et des documents préparatoires, au moins huit jours à l’avance, ce délai pouvant être réduit à un jour en cas d’urgence ». Le règlement intérieur du conseil d’administration peut préciser le calendrier et les modalités de transmission des demandes au chef d’établissement.
Toute question proposée à la majorité des membres du conseil d’administration peut être inscrite à l’ordre du jour, sous réserve du respect des dispositions concernant l’instruction préalable d’une question par une autre instance. Le conseil d’administration peut, à son initiative, adopter tous vœux sur les questions intéressant la vie de l’établissement (Art. R. 421-23). En cas de désaccord persistant avec les membres du CA sur l’inscription d’un point à l’ordre du jour, le conseil d’administration peut être réuni en séance extraordinaire à la demande de la moitié au moins de ses membres sur un ordre du jour déterminé (Art. R. 421-25)."
Là encore saisissons-nous de cette possibilité toujours existante de poser des questions diverses et d’intervenir sur l’ordre du jour.