Pas de réforme systémique, la « retraite par points » ne pourra « être reprise en l’état » a avoué E. Macron le 3 juin. Mais se profile la menace d’une réforme paramétrique du système actuel, une « nécessité » dans « notre stratégie de désendettement [...] pour maîtriser la dépense publique » selon B. Le Maire, l’obsédé de la dette.
Concernant la dette sociale (déficits cumulés des organismes de sécurité sociale), la situation est actée depuis un an ! La loi du 7 août 2020 en autorise une reprise par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), à hauteur de 136 milliards d’euros, dont 92 milliards au titre des déficits 2020-2023.
Qui va payer ? Le remboursement est assuré par la CRDS, prélèvement obligatoire au taux de 0,5% (sur les salaires, traitements et pensions pour 90% des recettes). Avant ce transfert, TOUTE la dette sociale devait être remboursée en 2024, ce sera désormais en 2033, quoiqu’il en coûte aux actifs, actives et aux retraité.e.s.
Le rapport du COR (conseil d’orientation des retraites) vient de sortir et la situation est on ne peut plus claire. Indépendamment des soldes, qui varient selon les indicateurs retenus, la trajectoire de financement du système indique que, dans tous les scénarios envisagés, la part des dépenses de retraites dans le PIB (14,7% pour 2020) reviendrait dès 2021 à 13,7% jusque 2030, puis baisserait jusque 2070 pour s’établir entre 11,3 et 13% du PIB. À législation constante, les dépenses sont donc « maîtrisées », n’en déplaise à certains !
Et avant ? Les déficits, tout relatifs, 0,4% des 470 milliards de prestations pour 2019 par exemple, proviennent de choix politiques de baisser ou de supprimer les cotisations sociales patronales, au prétexte de « compétitivité », « coût du travail », « politique de l’emploi », sans pour autant affecter de recettes fiscales équivalentes aux organismes de sécurité sociale : c’est encore, pour 2021, 4 milliards d’exonérations de cotisations prévues sans recette fiscale correspondante. Résultat : des déficits, artificiellement créés et qui s’accumulent, justifiant ainsi leur transfert à la CADES. Pour le plus grand bonheur des banques prêteuses, à qui nous remboursons la dette, via la CRDS, avec en prime 2 milliards d’intérêts par an.
Répétons-le : il n’y a pas de problème de financement des retraites.
Toute réforme à venir, au prétexte de résorber le déficit du système de retraite, prétendument insoutenable, ne serait qu’une nouvelle attaque cynique contre les droits sociaux, de la part de ceux qui n’ont rien retenu de la crise de 2008.
Eric Duflos