A l’heure où sont écrites ces lignes, aux lendemains du recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, la vague historique d’indignation démontre que la lutte contre la retraite à 64 ans se double d’une conception renouvelée et salvatrice de la démocratie qui ne peut pas être déconnectée de la souveraineté populaire.
Ce qui est apparu au grand jour, c’est que le pouvoir exécutif considère la démocratie comme un simple moyen et non comme une fin. En usant des institutions comme des outils à son service, l’exécutif s’entête à mettre en œuvre une contre-réforme et des politiques antisociales dans l’intérêt des forces dominantes. Ainsi, avant même le recours au 49.3 dont le premier effet est de priver la représentation nationale de voter, le gouvernement aura tout fait pour réduire la durée des débats, après avoir refusé d’entendre l’intersyndicale : utilisation d’un texte budgétaire, vote bloqué au Sénat…
Face à cette conception utilitariste et élitiste de la démocratie, le mouvement social a rappelé que la réforme des retraites posait immanquablement la question du travail et des rapports sociaux. Ainsi, dans l’Éducation nationale, agir contre la retraite à 64 ans, c’est pointer la maltraitance organisée des conditions de travail, c’est dénoncer la perte de sens préméditée et provoquée par les réformes managériales qui défont le lien entre les agent.es, les usagers et usagères du service public dans les collèges, les lycées et les CIO.
Quelle que soit l’issue du mouvement, ce qui est d’ores et déjà acquis et gagné, c’est une conception créative, dynamique et émancipatrice de la démocratie, à l’image de l’École publique que nous voulons.
« Rien n’est plus radical que de promouvoir les méthodes démocratiques comme moyen d’effectuer des changements sociaux radicaux » écrivait John Dewey.
La démocratie n’est pas un moyen, elle ne peut être réduite à un « cheminement » institutionnel (bien imparfait d’ailleurs) : c’est une expérience, c’est une lutte quotidienne contre un capitalisme financiarisé justement invoqué par E. Macron pour justifier le 49.3.
Jean-François Carémel