– Le système de retraite n’est pas équilibré financièrement / Faux !
C’est ce qu’affirmait O. Dussopt en septembre. Bien mal lui en prit : quelques jours plus tard, le Conseil d’orientation des retraites (COR) expliquait dans son rapport annuel que « malgré le vieillissement de la population française la part des dépenses de retraite dans la richesse nationale serait stable ou en diminution ». Pas de péril en la demeure mais, en creux, une paupérisation programmée des retraité.es qui, toujours plus nombreux, et sans la moindre réforme autre que celles passées, verront leur part du gâteau se réduire.
– Comme on vit plus vieux, il faut travaillerplus longtemps… / Faux !
Il faut distinguer espérance de vie et espérance de vie sans incapacité (EVSI), en moyenne aujourd’hui de 65 ans en France. Par ailleurs, l’âge conjoncturel de départ à la retraite (âge moyen projeté de départ) s’approcherait dès 2035 de 64 ans, conséquence des réformes passées (départ en retraite après 62 ans pour éviter la décote). Enfin rien n’interdit à quiconque de prolonger son activité au-delà des 62 ans mais à 62 ans, près d’un salarié sur deux n’est plus en emploi et le taux d’activité des 60-64 ans n’est que de 33 %.
– Aucune retraite ne sera inférieure à 1200 euros / Faux !
Le gouvernement prétend porter une réforme de " justice sociale", afin qu’aucune retraite ne soit inférieure à 1100€, puis maintenant 1200€. Ces parangons de justiciers omettent seulement de terminer leur phrase avec « pour une carrière complète », et oublient que ce dispositif est déjà prévu par la loi depuis la réforme des retraites de 2003 et qu’il n’a jamais été appliqué.
– Cette réforme permettra de mieux prendre en compte la pénibilité / Faux !
C’est Emmanuel Macron lui-même qui en 2017 a rendu les critères plus restrictifs et la pénibilité signifie une usure définitive mais n’a rien à voir avec l’aménagement des fins de carrière.
– Il faut réformer les retraites pour anticiper les déficits futurs du système/ Faux !
C’est le dernier argument développé depuis début décembre. Bruno Le Maire avance le chiffre de 100 milliards sur 10 ans, il s’agit, tout comme dans la tragédie grecque, d’effrayer par
le spectacle des passions !
N’ergotons pas sur la prescience ministérielle des déficits futurs. En 2022, les prestations retraite s’élèvent à 345 milliards d’euros, soit 13,8 % du PIB. Un déficit de 10 milliards correspond à environ 3 % des prestations. Celles-ci sont financées par des cotisations sociales et des impôts et taxes (comme la CSG). En cas de déséquilibre, on peut augmenter ces cotisations ou ces impôts et taxes, et même avoir recours à la dette, c’est-à-dire emprunter, ou bien puiser dans les réserves du système, qui se montent actuellement à 163 milliards, soit 6,5% du PIB.
Pour bien comprendre, remplaçons le PIB par le revenu annuel d’un collègue, 29 000€, et imaginons que 13,8 % de ce revenu est consacré aux vacances et loisirs, soit 4000€.
Chaque mois ce collègue provisionne pour équilibrer ce budget. Il possède même une épargne de 1885 €, exclusivement consacrée à ce budget en cas de besoin. Malheureusement, son banquier lui affirme que l’année prochaine il lui manquera 120 €, soit 3 % des 4000€ pour équilibrer son budget. Il lui refuse pourtant un prêt de 120 €, refuse d’envisager le ré-équilibrage futur des provisions, lui ordonne de diminuer ses vacances et loisirs, l’oblige à travailler plus longtemps et lui reproche en prime d’endetter ses enfants sur plusieurs générations ! Voilà ce que vaut réellement l’argumentaire sur les "déficits futurs"…