"Engagez-vous, rengagez-vous qu’ils disaient !"
Emmanuel Macron veut faire du Service National Universel un marqueur de sa présidence et le rendre obligatoire. L’année prochaine, cinq départements vont donc expérimenter cette obligation, et notamment les 12 jours de « séjour de cohésion », qui s’imposeront à tout.es les élèves de 2de durant le temps scolaire. Notre académie y échappe mais les élèves peuvent se porter volontaire pour ces séjours qui auront lieu lors des vacances d’avril et en juin-juillet. Au programme : uniformes, réveil à 6h30, levée des couleurs, Marseillaise, sport et activités censées stimuler le civisme, le tout dans une ambiance mi-colo mi-service militaire (et sans téléphone portable !).
Jusqu’à présent, ces séjours de cohésion du SNU se sont surtout illustrés par de nombreux couacs : manque d’organisation mais aussi dérives graves, telles que violences physiques et faits de racisme et d’homophobie. En 2022, l’objectif de 50 000 séjours n’a pas été atteint et le SNU a d’abord été choisi par des jeunes issus de familles où un parent « porte l’uniforme » et qui souhaitent eux-mêmes faire carrière sous l’uniforme.
Alors branle-bas de combat pour susciter quand même des vocations ! Le SNU doit apparaître comme populaire auprès des jeunes. Tournée des popotes pour la secrétaire d’Etat Sarah El Haïry. Envoi de sergents recruteurs dans les établissements, avec des présentations obligatoires pour tout.es les élèves de 2de comme à Cambrai ou avec le déplacement de la rectrice en personne à Haubourdin. Mobilisation de Skyrock et des réseaux sociaux pour faire de la retape avec des mises en scène où le grotesque le dispute à l’inquiétant. On n’hésite pas non plus à jouer sur le porte-monnaie, avec un petit coup de pouce aux volontaires pour le financement de leur BAFA. Et comme on n’est vraiment pas insistant, on leur fait savoir qu’ils pourront valoriser cette expérience sur Parcoursup. Et on pense aussi aux enseignant.es, en leur proposant de devenir « chef de compagnie ou de maisonnée » au tarif de 68,90 € pour surveiller les jeunes la journée et la nuit.
Quelle drôle de conception des problèmes, des besoins et des aspirations de la jeunesse !
Mixité ou duplicité ?
« Creuset républicain », « moment de mixité, de cohésion sociale et territoriale »… le SNU est paré de toutes les vertus. Les thuriféraires du SNU, du président Macron au porte-parole du gouvernement ou à la secrétaire d’État à la jeunesse, ne craignent pas le ridicule, toute honte bue.
En effet, où est la mixité dans les politiques éducatives ces dernières décennies et singulièrement sous la présidence Macron ? L’Indice de Position Sociale est un indicateur qui permet de mesurer la situation sociale des familles dont sont issus les élèves d’un établissement et il sert à calculer la part variable de la dotation horaire (DHG). Cette année encore, bien des établissements à l’IPS pourtant notoirement faible ont vu leur dotation revue à la baisse et connaîtront des suppressions de postes et des dégradations pédagogiques, notamment sur les groupes. L’Éducation Prioritaire est mise à mal, beaucoup de collèges ont été exclus de sa carte et bien des établissements, notamment des LGT qui pourraient y prétendre n’y ont jamais été intégrés. L’enseignement privé est devenu encore plus que par le passé, un puissant outil de ségrégation sociale comme sur la métropole lilloise et pourtant l’État et les collectivités locales lui attribuent toujours plus de moyens.
Le SNU va coûter 2 000 € par séjour, soit 2 milliards d’euros par an ! Qui va payer ? Au bout du compte, c’est bien sur le budget de l’Éducation et de la Jeunesse que cet argent sera ponctionné. Dégrader l’enseignement, c’est faire le choix d’inégalités qui vont peser sur toute une existence, 12 jours de SNU ou pas.
Olivier Mathieu