La semaine qui vient de s’écouler a été exceptionnellement éprouvante pour les équipes, mises sous pression et ballottées au gré des injonctions contradictoires du ministère concernant l’hommage à notre collègue Samuel Paty.
Simultanément, nous avons trouvé une situation sanitaire encore plus dégradée qu’elle ne l’était avant les vacances, avec un sentiment d’inquiétude grandissant quant à la capacité de l’institution à protéger les personnels et les élèves, puisqu’elle se contente de renvoyer aux établissements les mesures sanitaires et leur « adaptation », tout en minimisant les risques de contamination qui seraient moindres en collège compte tenu de la taille des structures …
Ainsi, la question qui domine les conversations est bien souvent : « comment allons-nous pouvoir tenir dans ces conditions pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois » ?
Protocole sanitaire « renforcé », ou dépassé ?
Nous aurions pu espérer que le protocole sanitaire "renforcé", même communiqué à quelques heures de la rentrée, prendrait la mesure de la gravité de la situation, de façon à nous permettre de continuer à travailler dans les collèges, en classe -ce que nous souhaitons par-dessus tout-, tout en nous garantissant la sécurité sanitaire due par l’État aux personnels.
Malheureusement, nous savons bien que l’essentiel des mesures obligatoires ou recommandées, était déjà appliqué dans les collèges au 1er septembre dans le cadre de la « rentrée normale » que nous promettait notre ministre, décidément plus communiquant que visionnaire.
L’échec de la stratégie territoriale, le fiasco de l’endiguement du virus au local
Le reconfinement –même allégé- annoncé par le Président de la République, signe l’échec d’une stratégie de lutte contre l’épidémie fondée sur le territoire et les acteurs locaux.
Dans l’Éducation, les annonces du ministre Blanquer, sous la pression de la mobilisation dans les établissements, essentiellement des lycées mais aussi de quelques collèges dans notre académie, confirment deux choses : le renforcement du protocole n’en était pas un ; et le ministère reste en décalage avec l’évolution de la situation, ne réagissant qu’en fonction de la mobilisation des personnels. La grève de 10 est donc nécessaire pour imposer définitivement l’idée qu’il n’est pas possible d’envisager un recul de l’épidémie à l’échelle nationale en se contentant d’un protocole adaptatif au local, selon le type d’établissement, et sans allégements des effectifs accueillis décidé nationalement.
Ceci est d’autant plus urgent que les élèves de 11 à 17 ans (lycéens ET collégiens) sont tout aussi contaminés et contaminants et que les adultes, et que les autorités sanitaires reconnaissent désormais que le virus circule beaucoup dans les établissements scolaires.
En collège aussi, renforcer d’urgence le protocole sanitaire pour continuer à travailler
En collège, la possibilité doit être laissée d’alléger les groupes, de mettre en place des organisations pédagogiques qui permettent, sur la journée ou sur la semaine, de limiter le nombre de niveaux accueillis. Cela permettrait de résoudre le casse-tête de l’organisation de la cantine, de réduire réellement le brassage et de façon plus efficace que la sédentarisation des classes qui ne permet jamais le fonctionnement d’une "bulle-classe" (récréations par niveaux, circulation, restauration) et réduit les capacités d’intervention de la vie scolaire (accaparée par les permanences ne peut surveiller les classes en intercours). La réduction de la capacité d’accueil permettait aussi d’organiser dans l’urgence et sans travaux lourds une meilleure ventilation, en installant des ventilateurs près des fenêtres bascules, de réduire la densité des salles finalement identique à celle des lycées. Elle permettait de réduire la pression sur les agents ATTE, dont on s’aperçoit dans de nombreux collèges qu’ils ne sont pas assez nombreux pour effectuer, ne serait-ce que le nettoyage quotidien.
D’ores-et-déjà, certains collèges du Nord et du Pas-de-Calais ont obtenu de pouvoir restreindre l’accueil des élèves, compte-tenu de l’impossibilité d’appliquer des mesures sanitaires protectrices pour assurer les enseignements.
Desserrer l’étau sur les collègues et les familles.
Ce renforcement suppose comme en lycée, des adaptations de programme en vue de l’examen, et des modalités d’obtention revues : l’absentéisme perlé du côté des élèves, qui continuent à souffrir des conséquences du confinement, comme celui des professeurs du fait du Covid, ne permettra sur la durée d’atteindre les objectifs d’apprentissage fixés par les programmes actuels. Par exemple, une réflexion doit s’engager très vite sur la prise en compte des moyennes dans le cadre du contrôle continu de manière à ce que les personnels et les élèves puissent se projeter sur l’examen en 3e. Cela permettait de ne pas concentrer la réussite sur la fin d’année scolaire et sur un bilan de cycle déconnecté des enseignements. La question des épreuves communes sera ainsi réglée, les conseils de classe qui s’annoncent se feraient de manière plus apaisée, surtout s’ils ont lieu en Visio, ce qui doit être possible partout. La question de l’orientation doit aussi être traitée dès maintenant, en commençant par l’annulation des stages.
La certification PIX, dont le ministre a annoncé le report (comment aurait-il pu faire autrement) est forcément bien accueillie, mais il faut aller beaucoup plus loin dans les aménagements pédagogiques et les envisager pour toute année scolaire : c’est également un des objectifs de la grève de mardi.
Continuité pédagogique : faire confiance aux collègues plutôt que les contrôler.
Les allègements d’effectifs, rendus nécessaires par une dynamique épidémique qui semble échapper aux autorités, ne peuvent être conditionnés à des contreparties pédagogiques, à des engagements collectifs (« plan de continuité pédagogiques » locaux) ou individuels (reddition de comptes) sur la mise en œuvre de dispositifs numériques quels qu’ils soient (classes virtuelles, etc.) : le Snes-FSU l’a rappelé à la rectrice cette semaine, et invite les collègues à signaler toute injonction visant à imposer un enseignement « hybride ».
Comme en lycée, les textes statutaires et réglementaires sont extrêmement clairs :
– la liberté pédagogique est un principe qui régit le service d’enseignement en classe, tout comme les missions liées à ce service : cela inclut « l’aide et le suivi du travail personnel des élèves » (décret du 20 août 2014), et donc le suivi du travail des élèves restés à la maison : il n’est pas envisageable une seconde de cumuler « présentiel » et « distanciel » et d’imposer ainsi un enseignement « hybride ».
– Le « plan de continuité pédagogique » ministériel, publié cet été, présente (et non impose) des modalités possibles de distanciel, et évoque bien un « suivi hors temps de classe » qui peut se faire également en s’appuyant sur des « documents physiques ». Ces dispositions étant identiques en cas de « restrictions des capacités d’accueil », et en cas de fermeture des établissements …
Dans ce domaine aussi, la grève du 10 permettra d’exprimer nos exigences, y compris dans le cas possible d’une fermeture totale des collèges et des lycées, que personne ne souhaite, mais qu’il faut désormais envisager.